C'est pas 'stupide', c'est 'conceptuel' [® Lituanie]

Crevé. Et même totalement crevé, genre. Alors le pourquoi du comment, c'est une autre affaire. Allez savoir si c'était dû au fait qu'il avait traîné jusqu'à pas d'heure la nuit précédente, ou si c'était le contre-coup de cette journée absolument miraculeuse vu qu'il avait assisté à tous les cours, mais toujours fut-il qu'à partir de 16h15 précisément, on ne l'avait plus entendu moufter quoique ce soit de plus élaboré que des "Mh" et des "Gn", et qu'à 18h11 tapantes, il s'était écroulé sur son lit, le mode larve enclenché, avec l'intention ferme de ne plus en bouger. Et ranafoute qu'il soit encore habillé, c'était déjà bien qu'il ait pris la peine de virer ses pompes.

Faut quand même savoir qu'un Pologne claqué qui a décidé de dormir, c'est un peu le GrosBill du sommeil. On peut y aller franco, le maxi-grand jeu avec la lumière droit dans la tronche, du Lara Fabian ou l'alarme incendie (ce qu revient un peu au même) droit dans les oreilles ou même le secouer comme un shaker, il bou-ge-ra pas.

Donc, ce qu'il se passa fut absolument écrit d'avance, Joe. Qu'on tente ou qu'on ne tente pas de le réveiller ne changea rien, il resta off durant les neuf heures qui suivirent. Et conséquence logique... A trois heures et six minutes du matin, il avait ouvert les yeux. Réveillé comme jamais. Bon, évidemment, faut pas s'attendre à la kangourou attitude dès qu'il ouvre les yeux. Feliks, il lui faut le temps d'émerger, hein. Déjà, de se demander pourquoi il se réveille dans le noir... de tendre la main pour attraper le réveil... qu'il ne trouvera pas vu que le matin précédent, ledit réveil a fait un vol plané à l'autre bout de la chambre. Bon. La main retombe... dix bonnes secondes de recherches à tâtons sur le sol pour trouver le sac... fouille à l'aveuglette du sac... Dégotage de portable... Ramener l'objet sous ses yeux... Regarder l'heure... Laisser l'info monter au cerveau... Okay. Il se redressa en commencant à retirer les satanées fringues de pingouin qui l'engonçaient, les balança en vrac sur le lit et récupéra, à tâtons au pied du lit, un short mini-mini et un t-shirt maxi-maxi qu'il enfila à la place. Ok, c'est cool.

C'est cool, mais, que faire, hein ? Que. Faire. Il est trois heures et des brouettes dans la chambre 7, comme dans celles d'à côté, comme dans toute l'académie.
Que faire ? Mais... Oh, sérieusement... Comment pouvez vous seulement poser la question ???
A trois heures six, Feliks avait ouvert les yeux.
A trois heures dix-neuf précises, il était assis sur le lit de Lituanie.

"Hu, Liet... Tu dors ?"

Ah ouais, vu l'heure, y a des chances, ouais. Il gonfla les joues, tortilla quelques secondes ses cheveux, puis se hissa complètement sur le lit, à quatre pattes au dessus de sa malheureuse victime, à lui pincer le nez entre deux doigts, et arqua un sourcil avant d'insister.

"Youhou ! Tu dors ??"

Il se redressa et se saisit de la mini lampe-torche au fond de sa poche (il convient de ne pas se demander ce qu'il fout avec ça dans ses poches, pliz), l'alluma et la braqua sur le visage de Toris.

"HÉ, LIET ! TU DORS ? PARCE QUE J'AI, GENRE, UNE IDÉE TOTALEMENT TROP COOL !"

Sooooo, Toris... Tu la ressens, la lourde et massive épée de Damoclès au dessus de ton crâne ?

Ce soir-là, ce fut avec un plaisir invraisemblable que Toris s'allongea dans son lit.

La nuit dernière avait été l'une des moins reposantes de toute sa vie.
Après que le Directeur lui ai gratifié d'une dissertation, Lituanie avait presque immédiatement pris sa retraite dans sa chambre, et s'était mis au travail.
Mais à peine 1 heure après avoir commencé à écrire -c'est-à-dire au moment où il était le mieux imprégné du sujet-, Pologne avait débarqué dans le dortoir, au bord de l'hystérie. Son premier réflexe, comme souvent, avait été de plonger sur le pauvre lituanien pour déverser toutes ces émotions sur son épaule. Adieu la concentration. Mais il ne pouvait tout de même pas laisser le pauvre Feliks dans cet état. C'est ainsi que, ignorant l'appel de sa copie et ne suivant que son cœur, Toris avait patiemment écouté toutes les plaintes de son ami polonais.

Le réveil, le lendemain, fut très difficile. Pour ne pas dire miraculeux (on ne mentionnera pas le fait qu'après avoir chouinné pendant des heures dans les bras de Lituanie, Pologne s'était retrouvé bien trop épuisé pour faire un quelconque devoir, et que par conséquent, cette noble tâche lui avait incombé...). Donc, après une journée de cours qui avait semblé bien plus longue et pénible que toutes les autres, c'était avec un immense bonheur que Toris regagnait enfin sa chambre. Et une surprise l'attendait dans le dortoir numéro 7. Alors qu'il s'attendait à voir surgir son camarade de chambre dans un état d'hystérie à peine contrôlable, avec cinq chapeaux, trois robes et deux jeans sous le coude à lui faire essayer, il retrouva celui-ci complètement affalé sur son lit. Sans doute la nuit dernière l'avait exténué, lui aussi.

"Je vais pouvoir récupérer de la nuit dernière."

Sans perdre une seconde -des fois que le blond se réveillerait-, Toris enfila son pyjama et s'emmitoufla dans sa couette. Dans un accès de paranoïa, il tourna la tête vers le polonais pour vérifier son état de sommeil...
"Quand même... il est vraiment mignon quand il dort comme ça. On ne se doute pas à quel point il peut être hyperactif... Il a l'air... si paisible... ..."

Et Toris s'envola pour le pays des songes...


Un champs de blés s'étendait à perte de vue autour de lui. La douce odeur de la paille chaude venait lui piquer les narines... Le vent parfumé lui caressait les joues... Le soleil réchauffait ses épaules...
Toris s'allongea parmi les épis, et contempla les nuages. Il prit une longue inspiration. Cela faisait si longtemps qu'il ne s'était pas détendu dans un endroit comme celui-ci. Il ferma les yeux. Tout était si agréable, si serein, si...

"Hu, Liet... tu dors ?"

...silencieux ?
Toris se redressa lentement. Une petite tête blonde fendait les blés, et se rapprochait de lui.
"Pologne, tu as vu ? Ce champ est magnif-..."
Tout à coup, Toris sentit une masse comprimer légèrement sa poitrine. Puis soudain, sa respiration fut coupée. C'était comme s'il se noyait. Mais dans un champ, c'était impossible ! Qu'est-ce qu'il lui arrivait ?!

"Youhou ! Tu dors ?? "

"...P-Pologne !... Je...m'étouffe !"
Le blond semblait ne pas l'entendre. L'air ne passait peut être déjà plus dans sa gorge. Et ce soleil devenait de plus en plus aveuglant. Il l'éblouissait. Et Toris suffoquait. Était éblouis. De plus en plus fort. Suffoquait encore...
" Pologne !!"

"HÉ, LIET ! TU DORS ? PARCE QUE J'AI, GENRE, UNE IDÉE TOTALEMENT TROP COOL !"


"AHHHHHHHHHH !!"
La redescente sur Terre fut brutale.

Après dix bonnes minutes à essayer de reprendre son souffle, et cinq autres à maudire intérieurement Feliks d'avoir transformé son rêve merveilleux en cauchemar, Toris plongea ses yeux dans ceux de Pologne. Ils étaient plein de malice ; c'était mauvais signe...
Il se remémora alors la raison pour laquelle il l'avait violemment tiré de son sommeil réparateur. "J'ai, genre, une idée totalement trop cool". Il frotta ses yeux profondément meurtris par la lampe de poche.

"Dis, Feliks... cette idée ne peut vraiment pas attendre demain matin ?"

Tentative désespérée. Mais ça ne coûte rien d'essayer...

Nan mais, c'est qu'il dormait pour de bon, quoi... Heureusement, ce n'était pas un minable p'tit sommeil qui viendrait à bout de l'irréductible Volonté polonaise, certes aidée par la lampe de poche, qu'il éteignit et posa à côté sitôt qu'un AAAHHH bien senti vint attester qu'encore une fois, c'était une victoire incontestable. Pologne 1 / Marchand de sable 0. On va dire que c'est une revanche sur le lamentable dossier Mille-pattes. Enfin, à ce AAAHH, la réponse fusa direct.

"Cool, t'es réveillé, ça tombe bien !"

Sauf que visiblement, Lituanie commencait déjà à rechigner. Nah mais c'est pas vraiii ! Enfin quoi, on lui a même pas encore fait le topo de l'affaire, là !! Délire pas Toris, c'est sûr que tu vas a-do-rer ! Quant à savoir si ça peut attendre demain matin...

"Mais carrément trop pas !"

Cherche pas, c'est catégorique et non-négociable. Valà, c'est clair et concis, nan ? Il afficha d'emblée un grand sourire et étendit la main pour allumer la lampe de chevet, en écrasant bien sûr Lituanie au passage. D'ailleurs, loin de le libérer de ce poids, il se laissa tomber sur lui, colla sans remords son coude sur l'épaule de son matelas humain et posa son menton dans sa main en adoptant une expression pensive. Feliks réfléchit : tous aux abris. Fuis, Toris. Vite. Ah, bah nan, c'est vrai, t'es coincé en dessous. Dommage pour toi, gars.

"Bon, attends. Faut s'organiser. Nnnnhhhh..."

Il baissa les yeux sur le visage de sa victime, et, de sa main libre, pianota quelques instants sur le nez de celle-ci.

"Genre... Grave fun, tu vois ? Nah, DÉMENT. Ça va carrément être l'éclate totale, Liet."

Son visage s'éclaira en mode néon et il se redressa d'un coup - en prenant appui sur ses mains respectivement plaquées sur le cou et le nez du malheureux. Il descendit du lit et fonça vers le placard pour farfouiller dans les affaires de ce pauvre Lituanie. Qu'il soit dit au passage que Feliks connaissait ce placard par coeur, vu le nombre de fois où il avait passé en revue les fringues qui y étaient rangées en soupirant de désespoir et à grand renfort de "Nah mais c'est pas possible d'avoir autant trop pas de style, va falloir arranger ça, Liet. Sérieux."
Bon, sauf que dans l'immédiat, pas de soupir et pas de menaces projets de relooking, parce qu'il était simplement en train de chercher... Ah bah, c'est good, il a trouvé. Il se retourna et envoya un t-shirt noir et un jean sur le lit de leur propriétaire. Déjà, là, ça sent les emmerdes, parce que qui dit s'habiller dit sortir de la chambre. A trois heures et demie du mat', Joe.

"Oookay ! Enfile ça ! On va partir en exploration, style !! Et attends, c'est pas tout, j'ai eu une idée, OH. MY. GOD, mais totalement trop géniale, quoi. Fringue-toi, je t'explique après !!"

Et vas-y que je sautille, avec, sur le visage, cette expression d'extase hallucinée un peu débile qu'on ne retrouve QUE sur la tronche des gamins de huit ans devant la Super Parade de Noël à Disneyland. Ouais, bon, et aussiiiii de temps en temps sur celle de Pologne. Comme maintenant.

En attendant que Toris daigne se lever et s'habiller, il retourna squatter le lit de ce dernier. Ou disons plutôt qu'il se laissa tomber de tout son long dessus, et adressa un graaaand sourire réjoui au plafond, avant de - "mââaaah !!" - battre des jambes, rouler sur le ventre, et à nouveau sur le dos en se cassant à moitié la gueule. Ouais, en bref, il tenait pas en place, et on souhaite bien du courage à Lituanie pour la suite des évènements, parce que vu l'état d'énervement de la bête, le motiver à se recoucher bien sagement, c'était de l'ordre de l'impossible, de l'irréalisable, de l'utopie pure, du rêve absolu. En plus, Feliks n'était pas, mais alors vraiment pas en mesure d'écouter patiemment un discours à base de c'estpasl'heuredejouer-fautdormir-onselèvetotdemain. Nan, quoi. Par contre, juste le temps de rétablir une position moins périlleuse que le dos sur le matelas / une jambe contre le mur / l'autre sur la table de nuit / l'arrière train en suspension, de se laisser glisser sur le sol, et il enclencha le blabla, avec un enthousiasme tellement survolté que s'il avait pas séché le dîner pour cause de dormite aiguë, on aurait pu croire qu'il y avait eu des acides en salade au menu.

"Sérieux. Tu peux juste pas savoir comment c'était TOTALEMENT la loose sans toi. Carrément plus que pas cool. Maintenant on reste ensemble, quoi, pour toujours. Nah, POUR L'ÉTERNITÉ, okay ? Style, trop comme on s'était dit à Krevo quand on avait joué à se marier, pareil t'sais, mais encore plus pour l'éternité. Et j'vais encore plus super bien m'occuper de toi. Et j'te défendrais si on te fait, genre, des embrouilles. Promis. T'es juste trop grave mon best, Liet. Yaaaa ! Ça va être méga fun, j'te le dis !!!"

Okay, reprends ton souffle maintenant. Le plus trash dans l'histoire, c'est que la tirade du comment-que-tu-m'as-manqué-yauneampoulearemplacer-comment-que-je-t'adore n'était même pas destinée à parer un éventuel refus d'obtempérer par une vile manoeuvre de soudoiement. C'est juste que, quand il a un truc à dire, bah il le dit- cash. Et c'est peut-être ce qu'il y a de pire chez lui, d'ailleurs... Surtout quand il lançait des trucs pareils, parce que, merdkoi... comme déjà dit, une éternité entière avec Feliks... c'est une perspective, euh.... Gasp.

Bon ! Allez, c'est pas le tout de guimauver, on a une Grande Aventure à préparer, pas vrai ? Et dans cette optique, tel le ressort humanoïde qu'il était, Pologne se propulsa en direction de son lit à lui et plongea dessous pour y récupérer ses tennis roses trop hype avec My Little Pony dessus en plus - si ça c'est pas la classe - qu'il enfila rapidement en motivant les troupes d'un

"Aaaalleeeeeez !!" encourageant, aussitôt suivi de "Ayé t'es prêt ? Euh genre, ousque j'ai mis la lampe de poche ??"

Ça ne pouvait "carrément trop pas" attendre demain matin...

Pas la peine de s'épuiser à négocier plus longtemps : "carrément", c'était le signe que même une armée entière de mille-pattes (?) ne suffirait pas à lui faire lâcher l'affaire. Alors un petit Liet tout seul...

Pologne se pencha au dessus de Toris pour allumer la lampe à son chevet, et profita de cette position pour ensuite s'avachir mollement sur lui. Il pris une pose pensive plus ou moins exagérée, et dirigea son regard vers le plafond avec une petite moue. Ces manières auraient pu être charmantes, si seulement elles n'avaient pas requis le broyage de l'épaule du pauvre lituanien pour être réalisées...

"Bon, attends. Faut s'organiser. Nnnnhhhh..."

Toris laissa Pologne s'amuser avec son nez, impassible... ou alors trop fatigué pour réagir.

"Et... quel genre d'organisation ?...
- Genre... Grave fun, tu vois ? Nah, DÉMENT. Ça va carrément être l'éclate totale, Liet."

A ces mots, il bondit du lit en s'appuyant sur ce qu'il avait sous les mains -le nez et la gorge de Lituanie- et se précipita dans son placard. Et c'est avec la délicatesse et le calme d'un enfant de cinq ans qui déballe ses cadeaux de Noël que Pologne se mit à retourner tous ses vêtements.
L'état de ceux-ci après le passage de la tornade blonde le préoccupaient grandement, mais Toris préféra profiter de sa liberté provisoire pour vérifier l'état de museau-cou-épaule... ... ...Bon, l'épaule crisse un peu, mais on a connu pire. Il fut alors tiré de son auto-examen médical par l'atterrissage de quelques affaires devant son nez.

"Oookay ! Enfile ça ! On va partir en exploration, style !! Et attends, c'est pas tout, j'ai eu une idée, OH. MY. GOD, mais totalement trop géniale, quoi. Fringue-toi, je t'explique après !!"

Lituanie posa son regard sur Feliks. Puis derrière lui. Il se figea.
Pologne avait littéralement éventré son placard... Chaque tiroir avait dû dégorger au moins une bonne dizaine de vêtements chacun, qui soit pendaient encore lamentablement par une manche, soit gisaient aux pieds du criminel. Il n'osait même pas penser aux nombres d'heures qu'il allait passer à tout replier. Encore.

Mais pas le temps de déprimer pour son linge, il y avait bien plus préoccupant : ils allaient "partir en exploration" ? A trois heures du matin ?...
Toris se leva de son lit et ouvrit la bouche pour protester, mais avant même que le moindre son n'en sorte, le polonais s'était déjà vautré sur son matelas. Il n'était visiblement pas très disposé à écouter ses plaintes. Ni à l'écouter tout court, d'ailleurs.
Lituanie poussa un léger soupire, puis se décida à se changer. A côté de lui, Feliks faisait l'asticot dans ses draps. Il tournait, se balançait, se retournait, gigotait, manquait de glisser du lit, puis recommençait... Rien que le regarder était épuisant. Soudain, dans une glissade vers le sol qui avait réduit sa couette au stade de sac-de-tissus-informe-qu'il-va-falloir-ranger-aussi, Pologne se lança dans un surprenant monologue.

"Sérieux. Tu peux juste pas savoir comment c'était TOTALEMENT la loose sans toi. Carrément plus que pas cool. Maintenant on reste ensemble, quoi, pour toujours. Nah, POUR L'ÉTERNITÉ, okay ? Style, trop comme on s'était dit à Krevo quand on avait joué à se marier, pareil t'sais, mais encore plus pour l'éternité. Et j'vais encore plus super bien m'occuper de toi. Et j'te défendrais si on te fait, genre, des embrouilles. Promis. T'es juste trop grave mon best, Liet. Yaaaa ! Ça va être méga fun, j'te le dis !!!"

Six minutes d'intenses réflexion pour le pauvre cerveau raplapla de Lituanie afin de décoder et...

"..."Méga-...fun" ?"

Pologne, un brin excité, ne pris pas le temps de lui répondre. Il plongea sous son lit repêcher ses chaussures fétiches, les enfila à la volée, et rouspéta un grand "Aaaalleeeeeez !!" à Lituanie -qui était en train de s'endormir devant sa braguette. Ce dernier sursauta dans les règles de l'art. Il bégaya un petit "O-oui, j'arrive !", boutonna son jean, rabaissa son T-shirt, poussa un dernier bâillement, puis s'approcha du polonais qui commençait à s'impatienter et à gonfler les joues.

"Ayé t'es prêt ? Euh genre, ousque j'ai mis la lampe de poche ??"

Lituanie attrapa la petite lampe qui avait essayé de sauver sa peau en se jetant par terre lorsque Pologne avais sauté dans son lit -sans aucune pitié pour les draps-, et la tendit à son ami. Pourquoi ? Parce que, lampe de poche ou pas, il savait qu'il n'échapperait pas à la petite escale nocturne que le blond lui avait préparé. Et il aimait autant que ce soit une lampe plutôt qu'un portable qui éclaire à 15cm tout au plus, mais signale leur position à 30 mètres à la ronde.

Mais juste avant que Feliks n'ouvre la porte de leur chambre, Toris posa enfin la question -et ce, à ses risques et périls :

"Alors... c'est quoi ton idée ?"

Un brin excité. Parce que Toris, il maîtrise l'art de l'euphémisme comme personne. Ouais, un brin excité, ou même survolté à tel point que si tu le touches, tu te manges une décharge. Mais il faut bien dire ce qui est, ce pauvre Lituanie, il est plus à ça près. Bref, la recherche éperdue de la lampe de poche disparue ne dura pas longtemps, puisqu'elle fut retrouvée par celui dont l'abnégation n'est désormais plus à prouver. On atteint le grade héroïque, là, y en a qui devraient en prendre de la graine. Franchement, à ce niveau, on se tait et on admire. Alàlà... Lituanie, à ta mort, on t'élèvera un monument, et sur le socle on gravera "il était tellement balèze qu'il faisait complexer ses boîtes de Xanax". Chouine pas, Joe.
Tududuuuu... Ouais bon ça ira, là, on s'endort. Et comme disait Jésus : on va pas rester plantés là.

Étant ré-entré en possession de la lampe et l'ayant fourrée dans sa poche, Pologne avait déjà une main sur la poignée quand la question lui parvint. Une seconde de suspend... Puis deux... Et il fit volte-face avec un sourire jusqu'aux oreilles.

"Mon idée... Genre... On va... On va foutre le feu, compter ceux qui arrivent à y échapper, et après on égorgera les survivants ! Style trop intense !!!"

Là-dessus, il se mordit les lèvres, plaqua sa main sur sa bouche, gloussa, et finit par se tordre de rire contre la porte. Pour finir, il se redressa en essayant de retrouver son souffle, et posa sur Toris un regard compatissant... ah nan, je me gourre, la compassion c'est moi qui l'ai, pas lui. Donc il posa sur Toris un regard espiègle, attrapa un élastique et fonça sur lui en trois bonds kangouresques.

"Naaah, je déconne. T'inquiète pas, tu vas juste trop être fan du trip, quoi."

Grand sourire de la mort qui tue le retour, bonjour je respire l'innocence, il posa les mains sur les joues du malheureux, et les fit glisser vers l'arrière en ramassant les cheveux au passage, pour finir par les lui ficeler fermement, presque sans en arracher, en plus.

"Allez, on y va."

Il s'empara de sa main et le tracta sans aucune pitié vers la porte, des fois que le signal du départ n'aurait pas été assez clair, et l'entraîna vers la porte. Cette fois il l'ouvrit et jeta un regard à l'extérieur avant de s'y jeter et d'y entraîner le pauvre Toris - en lui laissant d'ailleurs le soin de refermer ladite porte - merdkoi. Même un génie comme Feliks ne peut pas penser à tout. Par contre, il faudrait que Lituanie fasse vite, parce que la locomotive repartit presqu'aussi sec à cavaler le long du couloir silencieux, avec deux-trois sauts de temps en temps.

Arrivé au bout, il pila net, l'embarqua vers les escaliers... et dégaina la lampe, qu'il alluma et en braqua le faisceau en plein sur le visage de son illustre interlocuteur - peut-être inconsciemment pour lui apporter l'illumination - mouafmouafmouaf... hum - parce qu'il allait ENFIN lui expliquer la super activité nocturne vers laquelle ils gambadaient gaiement. Et donc il lui chuchota le topo - sauf que Feliks, quand il chuchote, enfin croit chuchoter, ça s'entend à trois mètres.

"C'est juste une idée TROP COOL ! Toi qu'aimes quand les gens sont zen, tu vas être à fond !!"

Ouais, écoute bien. Parce que jusque-là, Pologne ne s'est pas vraiment distingué par une quelconque propension à zénifier les gens, et rien que l'idée peut laisser perplexe.

"On va totalement TROP refaire la déco dans la salle de colle pour que les pauvres gars qui s'y retrouvent aient grave du FUN à MORT. Et pour ça, on va d'abord aller chercher, genre, de la peinture dans les locaux d'art. Style, rose. NYAAAAH !!"

Style, rose, bah en voilàààà une idée qu'elle est bonne, c'est sûr que ça va passer - genre - totalement comme une lettre à la poste. Et un NYAAAH bien retentissant en sautillant d'enthousiasme - parce que Feliks, il a un potentiel de discrétion à peu près équivalent à celui de la parade du cirque Zapato qui débarque sur la place du village.

"C'est juste trop délire, nan ? Et si tu veux, après on pourra même aller dessiner des gros coeurs trop hype sur la porte de la piaule de ton super pote le ruskov. Enfin toi, style, parce que moi j'écrirai 'CRÈVE'. Mais j'sais trop pas si on aura le temps, quoi."

Ouais, pis bizarrement, ça le motive moins, quand même. Eh ben, reste à voir si Toris partage le même point de vue concernant la coolitude de l'idée qui déchire...

"EHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH ?!!"

Les neurones s'agitent et s'entrechoquent. C'est la panique dans le cerveau de Lituanie ! Attends ! Attends !! Comment ça "Foutre le feu" ?! Mais tu es fou !! Tu-tu vas quand même pas...

C'est en voyant le sourire de Pologne lui monter jusqu'aux oreilles, et son regard devenir complètement hilare que Toris comprit...
"Il se paie ma tête..."
Le manque de sommeil avait sûrement anéanti son sens logique -du moins, il l'espérait, car il fallait être d'une naïveté maladive pour croire à un tel bobard... De son côté, Feliks semblait bien s'amuser. Après un bon fou rire, il se tourna vers Toris avec un air mi pitoyable-mi moqueur, et s'approcha de lui en sautillant.

"Naaah, je déconne. T'inquiète pas, tu vas juste trop être fan du trip, quoi."

Pourtant, il y aurait bien des raisons de s'inquiéter ; la première étant que son idée doive être réalisée à 3h du matin...
Pologne plaqua ses mains contre les joues de Toris, et les tira en arrière pour lui faire une couette, déformant au passage le visage tout mou du lituanien en une étrange grimace.

"Allez, on y va."

A ces mots, Feliks prit sa main et l'embarqua à sa suite, si violemment que Toris eu peur d'y laisser un bras. Il était tellement pressé que le lituanien eu à peine le temps de refermer la porte derrière eux, avant que Pologne ne le traîne dans tout le couloir. Et au galop !
Lorsqu'ils furent arrivés devant les escaliers, Feliks stoppa brusquement sa course -et je vous laisse le soin d'imaginer tous les efforts mis en œuvre par Lituanie pour ne pas lui tomber dessus, dans son état de légère somnolence. Il fouilla dans sa poche, se retourna vers son ami et lui alluma la lampe de poche en plein visage. Toris poussa un long gémissement. S'il n'était pas encore tout à fait réveillé, et avait espoir de pouvoir se rendormir facilement plus tard, c'était bien fini maintenant...
Le polonais se mit à chuchoter bruyamment.

"C'est juste une idée TROP COOL ! Toi qu'aimes quand les gens sont zen, tu vas être à fond !!"

Toris, bien plus stressé à l'idée que Feliks ne réveille quelqu'un d'autre -qui sera sûrement beaucoup moins indulgent que lui- que par sa révélation imminente, lui fit signe de parler moins fort. Mais apparemment, Feliks était déjà au minimum.

"On va totalement TROP refaire la déco dans la salle de colle pour que les pauvres gars qui s'y retrouvent aient grave du FUN à MORT. Et pour ça, on va d'abord aller chercher, genre, de la peinture dans les locaux d'art. Style, rose. NYAAAAH !!"

"Shhh... Pologne, parle moins fort, ou on va... ... ...HEEEEEIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIN ?!!"

Bon, pour la leçon de discrétion, on repassera...

"C'est juste trop délire, nan ? Et si tu veux, après on pourra même aller dessiner des gros cœurs trop hype sur la porte de la piaule de ton super pote le ruskov. Enfin toi, style, parce que moi j'écrirai 'CRÈVE'. Mais j'sais trop pas si on aura le temps, quoi."

Sur une échelle de bêtise idiote qui va de 0 à 10, je crois que l'on peut facilement lui attribuer un 9.5 cette fois.
Lituanie préféra ignorer le passage à propos de la porte de Russie, espérant que Feliks finirait par oublier cette partie de son plan, pour peu qu'on ne la lui rappelle pas trop souvent. En revanche, il ne pouvait pas laisser passer le reste. Des joues vont se gonfler, mais c'est pour leur bien à tous les deux (et aux yeux de tous les pauvres élèves qui devront aller en colle). Toris rassembla tout son courage -il va falloir être fort et ne pas succomber au mode "hamster" cette fois-, et attrapa les épaules de Pologne pour tenter de le raisonner.

"F-Feliks, on ne peut pas faire ça ! Les membres du club d'art ont besoin de cette peinture. Et puis, tous les élèves n'aiment pas le rose... En plus, si quelqu'un nous surprend ou découvre que c'est nous (ce qui n'est pas trop dur à mon avis...), on risque d'avoir de gros ennuis !"

D'ailleurs rien qu'à cette pensée, les maux de ventre chroniques de Toris commençaient déjà à se réveiller...
Et comme il savait parfaitement que son refus ne serait pas apprécié, voir même rejeté, et que de toute évidence ils n'étaient pas prêt de se recoucher, il risqua une seconde approche :

"Mais... on est pas obligé de retourner dans la chambre. Il n'y a pas quelque chose d'autre que tu voudrais faire ?..."

bonus:

Spoiler:

9.5... Donc, ça reste du 'peut mieux faire'. D'accord, t'inquiète pas, on va tout mettre en oeuvre dans les jours à venir pour pouvoir atteindre les sphères célestes du 10/10.
En attendant, comme prévu, on put assister à un gonflage automatique de joues à l'instant précis où parvint à son susceptible système auditif le fatal onnepeutpasfaireça. Alors ÇA... C'était vraiment une phrase à la con, à classer parmi celles qu'il ne supportait pas. SI, on peut. Parce que Pologne, il est tellement cool qu'il fait carrément trop qu'est ce qu'il veut et comment il en a totalement rien à faire du reste, quoi.
Toutefois, le gonflage ne dura pas longtemps, parce que, tandis qu'il laissait Toris blablater son argumentaire de la mort, il était suuuuper occupé à tictiquer l'interrupteur de la lampe de poche. C'est trop fun. Noir/lumière/noir/lumière, et après, on essaie une nouvelle grimace à chaque fois qu'on rallume. Et avec la lampe dans la bouche, c'est marrant aussi, nan ? Ouais, bon... En fait, Lituanie, te fatigue pas, je crois qu'il ne t'écoute pas.

Mais on aurait tort de sous-estimer la capacité d'agissement rapide en terrain hostile et surtout les réflexes de survie de notre petit balte tout chou. Voyez plutôt avec quelle maestria il récupère l'attention d'un Feliks plus que blasé. Pas obligé de retourner dans la chambre ? Quelque chose d'autre ? ... Pologne retira la lampe de sa bouche et s'enferra dans une profonde cogitation. Un répit... Pas très long, bien sûr, parce que n'oubliez pas que les idées totalement cool, elles lui viennent comme ça, hop !

"Fffff... Bah... Genre, j'aimerais trop voir Tamananago.... bon, Finlande a dit 'pas entre minuit et sept heures', mais on peut y aller quand même, je pense qu'il criera pas si t'es là. Sinon on peut toujours, genre, aller à la plage et ramener des crabes et des algues trop dégueu pour mettre dans la chambre de France ou de Vatican, ça sera carrément délire mais on aura pas le temps de faire l'aller-retour. Ou alors genre on va désaccorder tous les instruments du club de musique pour faire style une blague. Ou sinon... Dis, tu m'écoutes ?"

Ouais, tu l'écoutes ? Tiens, prends toi donc le faisceau de la lampe en pleine poire une énième fois. C'est pas méchant, c'est pour vérifier que tu es suspendu à ses lèvres... Ce dont on ne doute pas, parce qu'honnêtement, QUI pourrait résister à un programme pareil ? Cependant, Feliks n'avait pas l'air particulièrement convaincu, comme en attesta l'auto-verdict qui tomba quasiment à la suite.

"Bah, t'façon ma première idée était carrément plus cool."

Ouiii... Mais le souci, c'est que Lituanie n'avait vraiment pas l'air chaud du tout. Meuh allez, motive toi !! C'était à peu près le message que semblait vouloir faire passer la totalité du comportement de Pologne alors qu'il se remettait à sautiller comme un lapin - rose - Duracell.

"Alleeeeez, déconne pas ! C'est quand même totalement fun, nah ? Bon, écoute ! Déjà, au club d'art, de la peinture ils en ont tellement plein qu'ils vont même pas s'en aperçevoir. Et puis de quoi t'as peur ? Il est trois heures du mat', Liet. Tout le monde dort, personne va nous voir."

Ah, ben si, finalement, il avait écouté. Mais il était clair qu'aucun des arguments n'avait fait mouche.
Ce qui était tout aussi clair à ses yeux, là, c'était qu'au delà d'avoir besoin d'être convaincu, Lituanie avait besoin d'être rassuré. Pas de panique, Feliks est là - ou alors justement : panique totale, Feliks est là. D'ailleurs, même s'il en était régulièrement la cause, il n'aimait pas du tout voir son Liet stresser comme ça - à fortiori pour rien... Même si ledit Liet avait justement l'air de penser que ce n'était pas du tout pour rien.
Il arrêta de rebondir, esquissa un petit sourire tranquille, et, d'un geste calme, lissa doucement deux ou trois mèches de cheveux autour du visage de ce pauvre Toris, en adoptant un ton touuuut doux et touuut réconfortant.

"T'inquiète paaaas. C'est cool, c'est totalement cool, c'est juste pour se marrer, ça va trop bien se passer."

Une accentuation du sourire, et sa main délaissa les mèches pour caresser la joue du cher Angoissé dans l'espoir de l'apaiser, histoire de faire passer la pilule de l'éventualité énoncée dans la foulée, sur le même ton tout-va-bien-tu-vois-ça-baigne que, dans sa meeeerveilleuse inconséquence, il aurait réussi à produire même au plus profond de la mouise la plus mouiseuse. Quoique, là, à bien y réfléchir, on a pas l'cul sorti des ronces, surtout si Feliks arrive à ramener Lituanie à un niveau de plénitude acceptable. Et le premier qui fait remarquer que tout ça ressemble douteusement à la manière de calmer un poney récalcitrant, il se prend son pied où je pense.

"Et pis MÊME si ça se passait pas bien... y a, genre, totalement aucun risque, mais admettons... ben même si, t'sais bien que je te protègerais. Style... Y a rien ni personne qui t'embêtera, je te l'ai promis, nah ?"

Le pire, c'est que quand il dit ce genre de choses, il y croit dur comme fer, le p'tit. Et pourquoi pas, d'abeûrd ? Comment ça, des retraites paniquées en brandissant Toris comme bouclier ?? Pfeheuheu, z'avez vu jouer ça où, vous ? Meuh nan, vous avez dû vous tromper. Il est pas comme ça, Pologne. Jamais de la vie.
Ça ne valait pas le coup de continuer à arguer sur le sujet. Il n'y aurait pas d' "ennuis", gros ou pas. De toute façon, de son point de vue, le seul véritable ennui qu'il pourrait qualifier de tel, ce serait qu'on lui retire son amirienkalui, surtout qu'au fond, il restait persuadé qu'une telle chose serait tout autant la fin du monde pour Lituanie que pour lui - bien que Toris, lui, parlerait certainement de bénédiction. Quoiqu'il en soit, ça, c'était impossible à réaliser. Donc, il ne voyait franchement pas ce qu'ils pouvaient bien craindre. Sujet clos.
Ah oui, n'oublions pas la question qui tue, tout de même... Pour la route.

"Tu me fais, genre, totalement confiance, nah ? J'te jure, ça va être méga-hype, et demain tu vas juste trop délirer en pensant à comment t'as grave hésité. MAIS... Si t'as vraiment trop peur... bah tant pis, style, c'est pas cool mais j'y vais tout seul..."

Il s'arrêta là, mais son regard immense tout brillant fixé dans les yeux de Toris poursuivit et acheva la phrase à la place de sa bouche, de manière extrêmement claire : '... j'y vais tout seul, dans le noir et le froid de ces couloirs hostiles, sous une pluie battante et une grêle violente, abandonné par mon meilleur ami en qui j'avais placé toute ma confiance, laquelle confiance bafouée lacère maintenant mon petit coeur meurtri, douloureusement, et si jamais je devais mourir ce soir, en cette nuit néfaste où tu m'as tourné le dos avec mépris, alors garde toujours en mémoire que notre précieuse amitié était tout pour moi...'

Spoiler:

Pologne s'arrêta de jouer avec la lampe. Lituanie était-il enfin parvenu à capter son attention ? Il se mit à réfléchir, et le silence se fit à nouveau dans le couloir...
30 secondes...
1 minute...
2 minutes...
Et alors que Toris commençait à croire -ou plutôt rêver- que son ami s'était peut être endormi au milieu de sa réflexion, Feliks laissa exploser toutes ses idées à la figure du lituanien comme un ballon remplit d'eau.

"Fffff... Bah... Genre, j'aimerais trop voir Tamananago.... bon, Finlande a dit 'pas entre minuit et sept heures', mais on peut y aller quand même, je pense qu'il criera pas si t'es là. Sinon on peut toujours, genre, aller à la plage et ramener des crabes et des algues trop dégueu pour mettre dans la chambre de France ou de Vatican, ça sera carrément délire mais on aura pas le temps de faire l'aller-retour. Ou alors genre on va désaccorder tous les instruments du club de musique pour faire style une blague. Ou sinon... Dis, tu m'écoutes ?"

Le faisceau de la lampe fit alors un énième attentat aux yeux de Lituanie. Il cacha ses pauvres mirettes martyrisées derrière ses mains, et chuchota un long gémissement en signe d'abdication. Oui, il chuchota son gémissement. Parce que malgré la douleur, Toris pense quand même aux pauvres élèves qui dorment. Chose assez inutile en vérité, parce qu'il faudrait vraiment avoir un sommeil aussi lourd que celui de Grèce après une soirée bien arrosée pour dormir encore avec ces deux-là en train de comploter dans le couloir... mais bon, on approche des 3h30, faut pas trop lui en demander.

"Bah, t'façon ma première idée était carrément plus cool."

En fait, ce sont plutôt tes autres idées qui le sont moins, Feliks...
Toris poussa un léger soupire. Parfois, il se demandait d'où toutes ces idées pouvaient bien venir...
Il s'apprêtait d'ailleurs à entrer dans une profonde réflexion pour arrêter celle-ci, lorsque Pologne se mit à sautiller sur place, tel un kangourou -rose, si tu veux- sous amphétamines.

"Alleeeeez, déconne pas ! C'est quand même totalement fun, nah ? Bon, écoute ! Déjà, au club d'art, de la peinture ils en ont tellement plein qu'ils vont même pas s'en apercevoir. Et puis de quoi t'as peur ? Il est trois heures du mat', Liet. Tout le monde dort, personne va nous voir."

Et, comme pour illustrer son discours réconfortant par le geste, Feliks vint caresser les cheveux du lituanien.
Mais ce dernier restait perplexe (pour ne pas dire absolument pas convaincu), et ce malgré les douces paroles rassurantes et autres brossages polonais. Le visage de Toris se para d'une moue désespérée alors qu'il répondait en marmonnant :

"Mais je ne suis pas certain que les autres apprécieront ton idée..."

"T'inquiète paaaas. C'est cool, c'est totalement cool, c'est juste pour se marrer, ça va trop bien se passer."

La main de Feliks glissa jusqu'à sa joue, mais dans l'immédiat Toris était bien trop occupé à s'imaginer comment cette histoire se terminerait pour faire attention aux caresses.
Ils allaient se faire attraper à coup sûr. Et même si ce n'était pas le directeur qui les prendrait la main dans le pot sac, ils finiraient quand même par être retrouvés. Dès qu'on découvrirait leur "chef-d'œuvre", le directeur, les professeurs, et peut être même les élèves, tous mèneraient l'enquête sans tarder... Et il ne faudrait que peu d'indices et de logique pour remonter jusqu'à eux ! Ils termineraient dans le bureau du directeur à coup sûr. Peut être même qu'ils se feraient virer de l'établissement définitivement ? Ou même pire, ils pourraient...

"Et pis MÊME si ça se passait pas bien..."

La petite panique occasionnée par cette phrase le fit redescendre sur Terre.

"Y a, genre, totalement aucun risque, mais admettons... ben même si, t'sais bien que je te protègerais. Style... Y a rien ni personne qui t'embêtera, je te l'ai promis, nah ?"

Un grand vide se fit dans le cerveau de Lituanie. Il aurait voulu répondre quelque chose, mais il hésitait entre remercier Feliks pour son dévouement en cas de mésaventure, ou lui rappeler que c'était lui qui les entrainait dans une opération à risques...
De son côté, Pologne poursuivit :

"Tu me fais, genre, totalement confiance, nah ? J'te jure, ça va être méga-hype, et demain tu vas juste trop délirer en pensant à comment t'as grave hésité. MAIS... Si t'as vraiment trop peur... bah tant pis, style, c'est pas cool mais j'y vais tout seul..."

Lituanie, s'il y a une chose contre laquelle il ne peut RIEN, ce sont bien les grands yeux tout mouillés de Feliks (et aussi les jeunes filles slaves qui lui tordent les doigts, mais ça c'est une autre histoire...). Et là, pour être mouillés, ils étaient mouillés, ses yeux. C'était à se demander si ces larmes étaient vraiment naturelles...
Mais oui, Feliks, il te fait confiance. Toujours -y compris quand il ne faudrait pas. Et non, il ne te laissera pas y aller seul.
Toris soupira profondément devant sa propre faiblesse. Puis il leva les yeux vers Feliks, prit un air sérieux, et attrapa fermement les épaules du polonais entre ses doigts. ...Enfin, "fermement". Aussi fermement que Toris peut l'être avec son meilleur ami. Ce qui équivaux à peu près à une poignée de main entre peluches, pour vous donner une idée.

"D'accord, d'accord... Je viens avec toi. Mais à une condition : S'il te plait, il faut vraiment que l'on fasse moins de bruit. Je ne veux pas réveiller les autres."

Une condition assez inutile en soit, mais qui rassurait quand même un peu le lituanien...

Cette mise au point terminée, notre petit duo se mit donc en quête de peinture rose.
La traversée des couloirs jusqu'à la salle d'art se fit sans encombres, grâce à la démarche made in Poland :
1- Gambader joyeusement d'un bout du corridor à l'autre en traînant de toutes ses forces le lituanien derrière sois.
2- S'arrêter en catastrophe à chaque angle de mur pour vérifier que la voie est libre, le tout en prenant une pose très exagérée digne des plus grands soaps policiers du mercredi après-midi.
3- Repartir aussi-sec, et réitérer les opérations 1 & 2 dans le corridor suivant...

Feliks avait un don -si on peut appeler ça comme ça- pour rendre agréables ce genre d'excursions dangereuses. Et Toris entrait facilement dans son jeu.
Bien malgré lui, faire une course de poney au milieu d'un champ, jouer à se marier, sécher un cours pour aller manger une glace, ou même s'infiltrer comme des voleurs dans une salle de classe,... tout cela amusait Toris. Au point d'en oublier parfois qu'il allait falloir subir les conséquences de ces actes...

Lorsqu'ils arrivèrent devant la salle du club d'art, Toris eu un petit, vraiment tout petit espoir qui se traduisit par un "Oh... La porte est fermée ?".
...Mais il s'envola bien vite lorsque Pologne ouvrit ladite porte sans le moindre effort.

Non, personne n'avait pensé à fermer à clef. Et on pouvait comprendre : Franchement, QUI voudrait voler de la peinture à quatre heures du matin ?...

Qui ? Personne, voyons. Parce que personne d'autre que Pologne ne peut avoir une idée aussi brillante que celle-là. Ouaip, il est encore convaincu que c'est une idée brillante, y a pas à tortiller, ça va être d'enfer. Selon lui. D'enfer pour la noble cause, et l'enfer pour Lituanie, mais ça, c'est pas spécialement voulu. Bah dites, brochette de médisants. C'est qu'il y tient, à son laqu... à sa colon... à son ami-rien-qu'a-lui-totalement-pour-la-vie-que-d'ailleurs-s'il-avait-été-une-fille-il-l'aurait-trop-grave-épousé.
Eh non, la porte n'était pas fermée. Eh oui, elle s'ouvrit docilement, à l'instant où la poignée tomba sous la patte de Feliks, après cette for-mi-dable épopée couloiriale.

Grand sourire au pauvre Toris, et c'est rien de le dire. L'étape est un succès, mon p'tit vieux. Tu n'échapperas probablement pas aux suivantes, mais sache, encore une fois, que nous te soutenons tous. Bref, la salle était atteinte sans casse, maintenant, il restait à trouver la peinture. Rose, hein. Allez pas me repeindre les murs en blanc, les enfants.
De grands gestes furent imprimés pour balayer la pièce du faisceau de la lampe - c'est là qu'on se rend compte que la petite lampe de poche est VRAIMENT petite. D'ailleurs, cet empaillé du cerveau envisagea d'allumer le plafonnier, mais se ravisa pour chuchoter à sa façon - c'est à dire au même volume que s'il parlait à voix haute - non, on ne se relancera pas dans un débat sur le potentiel de discrétion de Pologne.

"Liet ! T'sais ousqu'y rangent, genre, leur trucs à machins ?"

Comprendre : Cher ami, as-tu la plus petite idée de l'endroit où les familiers de ces nobles lieux entreposent leur non moins noble matériel, celui-là même que nous sommes venus chercher ?

Bon, stop. Stop, stop.
Arrêtez de plaindre Toris, bon dieu d'bois. Il a le décodeur intégré, Toris, compétence Pierre de Rosette acquise au level 1. Il ne souffre pas, il gère. Toris il est TELLEMENT multifonctions que si Chine veut en faire une contrefaçon, rien que pour en pondre un seul exemplaire, faudrait qu'il mobilise la totalité des gamins de 8 ans qui bossent dans ses usines, et du coup on serait en rade de ballons de foot et de voitures téléguidées. Inimaginable. Et puis c'est pas plus mal, hein. Z'imaginez ce que serait le monde si chacun avait un Toris de poche ?
*jingle pub* Oh, non, nous voilà perdus en plein désert, nous allons mourir de faim et de soif et en plus, ma chemise est toute froissée !! - Mais non Joe, ne t'inquiète pas, je ne me sépare jamais de mon *xylophone* Toris de poooooche *xylophone* avec sa cuisine intégrée (vendue séparément) ! Ce soir, c'est gambas à la planchalinge ! *jingle pub*
Alors, hein ? Non, vraiment, quoi. Et puis, mince, ça se mérite, un Toris. Se charger d'un Toris, c'est pas une décision à prendre à la légère, une fois qu'on l'a, c'est pour toute la vie. C'est pas un jouet, bon sang. Ça se respecte, un Toris. Faut s'en occuper, le surveiller, contrôler son alimentation, le faire courir régulièrement, l'éduquer en douceur, l'oeil vif, le poil brillant... Joe, retire de suite la musique de Royal Canin de ce post, on va encore avoir des plaintes.

Euh... Qu'est ce qu'on disait, déjà. Ah, ouais. Pologne. Pologne et sa question.

A noter que quand Pologne pose une question, ce n'est pas toujours qu'il attend la réponse. En l'occurence, dans l'immédiat. Là, il s'avança d'un pas qui laissait présager le sautillage survolté dans trois secondes et demie. Attends, faut comprendre, quoi. C'est pas tous les jours qu'on fait un raid taxage de peinture à trois heures du mat' dans le local du club d'art, le tout pour aller repeindre une salle. D'ailleurs, il est marrant, ce local. Hein, Feliks ?

"C'est TOTALEMENT délire, sans déc' ! Ça fait trop méga planque d'artiste, nah ?"

Ouaip. Un local de club d'art, quoi. Mais Feliks, il s'en remet pas. Youhou, c'est Noel avant l'heure. Le pire, c'est que si on lui avait fait une visite guidée des lieux en plein après midi, il s'en serait tapé, que dis-je, il s'en serait tamponné l'oreille avec une babouche. Mais là, évidemment, le côté super-aventure-nocturne, ça rend les choses beaucoup plus interessantes. En soit témoin le faisceau de la lampe de poche qui se tape des allers-retours vertigineux à en filer le mal de mer à un siège de grand-huit. Sauf que le siège de grand-huit, c'est quand même rare qu'il se supporte un polonais surexcité qui se sent obligé de glapir son enthousiasme à chaque bidule whatever qu'il découvre.

"LietlietlietlietLIET !! VIENS VOIR !! C'quoi ça ? Et ça ? J'en veux TROP un pareil ! Hiii !! Délire, LA, t'as vu ?? C'est style, un CHEVALIN ! Nah, mais... OHMYGOD y a même CARRÉMENT des tableaux, quoi ! VIENS VOIR !!!!!"

Et le faisceau de la lampe qui se balade toujours, avec de temps en temps un p'tit arrêt-braquage sur Lituanie pour vérifier qu'il est toujours là. Non Toris, je t'arrête de suite, il ne fait pas EXPRÈS de viser tes yeux à chaque fois. Va voir plutôt le chevalet très équestre et les tableaux, mon pauvre vieux, pense pas au reste. Ça a l'air de tellement étonner Feliks de trouver ce genre de chose dans une salle d'art, hein, lui casse pas son trip.

"... C'est... quoi ? Genre... Tu crois qu'il est posé à l'envers çui-là ? Ou alors il est totalement pas fini ? Ou alors c'est carrément de l'art GRAVE ABSTRAIT ? Iiiik, celui d'à côté, mastapervers, quoi ! Genre trop obligé que c'est France qui l'a fait. Toriiis ! T'm'écoutes ?"

Surement que oui. Mais si tel est le cas, il n'aurait guère qu'une demi-seconde pour répondre, car Pologne vient de passer en mode ressort. Et son premier amortisseur, comme souvent, c'est justement Lituanie. Donc hop, on lui saute au cou, on pendouille trois minutes en déblatérant quelques phrases d'un ton pseudorassurant sur le fait que c'est vraiment trop cool, qu'on va vraiment trop s'éclater et que ça dépote un max, que c'est tellement trop son meilleur ami pour la vie et comment que c'est génial qu'il soit venu parce que waouh, c'est grave comment il l'adore, enfin, du grand classique feliksien, quoi... et le voilà reparti en quête de cette damnée peinture ROSE.

En revanche, il serait de bon ton de ne pas trop s'éloigner. Parce que là, voyez-vous, le silence est retombé. Et qui a pratiqué un minimum Feliks sait pertinemment que quand Feliks ne fait pas de bruit, quand Feliks est aussi silencieux qu'une algue qui se dessèche en plein soleil, c'est que Feliks est sur en train de faire une connerie. Comment ? Ah... ouais. C'est vrai. C'est comme les gosses de maternelle, en effet.
Donc, la connerie actuelle - puisque OUI, amis, connerie il y a - c'est de monter sur une table pour aller voir de plus près les pots qui s'alignent sur ces jolies étagères, là. Ah, non. Erreur. Il est déjà sur la table, et il est précisément en train de soulever le très gros pot de droite, là. Ok, je sais qu'il fait noir et que, hormis les étoiles qui dispensent une faible lueur par la fenêtre, la seule lumière vient de la petite lampe de poche qu'il a d'ailleurs judicieusement coincée dans sa bouche. Donc, je t'aide, Lituanie. Le très gros pot en question se trouve maintenant dans les mains de Feliks. Pas pour longtemps, n'est ce pas, puisque tu sais aussi bien que moi qu'il est juste incapable de soulever un récipient de dix litres à bout de bras pendant plus de cinq secondes. Surtout en équilibre instable sur une table. Aaaah, ça faiblit.

"Li... oups. Liet, vite !!!"

Oups ? Ah bah voui, hein. La lampe. Tu causes, tu la tiens plus. La petite lampe de poche chuta sur la table, y roula pour achever sa fuite sur le sol. Bonk, rebonk. Notez quand même la résistance du Made in China, sur ce coup là, elle marche encore. C'est balèze des fois ces ptits trucs. Côté Pologne, par contre, beaucoup moins.
Et là, c'est le dra... Oh-oh. Alors là, je dis, miracle polonais. Le gros pot vient d'être posé sur la table sans casse, mais EN PLUS, Pologne descend de celle-ci. Bon, en chouinant, certes, mais c'est mieux que rien.

"Pfff... C'est, genre, du jaune, la loose... C'est mieux que t'ailles voir là haut, toi, hein... Me suis to-ta-le-ment bousillé le bras. Y a plein de pots, doit trop y avoir du rose... J'vais chercher les pinceaux, c'est carrément moins lourd..."

Le tout en frottant désespérément ses pov tits bras endoloris. Et en cherchant des yeux, dans l'obscurité, le petit rayon lumineux indiquant la position de la lampe. Première étape, donc, aller la récupérer. C'est qu'elle a roulé loin, la garce. Et c'est donc à quelques bons mètres de là qu'il atteint ladite lampe... Oooooh !! Un gros seau plein de pinceaux qui trempent, sur la tablette sous la fenêtre, là !! Au diable la lampe, vas y Feliks ! Gogogo. Attraper le seau à deux mains et revenir victorieux !
Okay, donc attraper le seau à deux mains, c'est dans ses cordes. Marcher sur la lampe aussi, c'est dans ses cordes.
Ouiii, je sais, on est dans le noir, tout ça. Mais peut être que le "GHIIIII !!!" stupéfait, le BOUM sourd, le SPLATCH sans appel, le Rrrrrrrrrr de la lampe qui s'en va rouler plus loin après son méfait, et le long silence hébété qui s'ensuivent suffiront à renseigner Lituanie sur ce qui a bien pu se passer.

Et en attendant, nous, on va contempler le fabuleux spectacle de la princesse polonaise éclatée sur le sol au milieu d'une mare de flotte sale jonchée de pinceaux crades, laquelle n'avait bien sur daigné gagner le sol qu'après s'être déversée en intégralité sur ladite princesse, qui fait d'ailleurs légèrement plus souillon d'écurie que princesse, là. C'est dire l'état du t-shirt et très probablement du short en dessous. Et des tennisrosesmylittlepony. Mais franchement, là, c'est secondaire parce que, voyez vous, là, la situation est grave, très grave. Extrêmement grave. Courage, Feliks.
Lentement, il éleva une main et saisit une mèche de sa précieuse tignasse, maintenant poisseuse et gluante, entre deux doigts... et la laissa retomber posément. Grande inspiration. Si quelque chose n'est pas fait vite, très vite, extrêmement vite, y a la sirène qui va se mettre en route. Et j'vous préviens, d'un point de vue mélodieux, ça va plus se rapprocher de celle de l'usine d'à côté (ou de Chine, au choix) que d'Ariel au clair de lune. La sirène, pas la lessive, bande de niants.
Mais on a encore quelques secondes devant nous avant le hurlement horrifié, parce que juste après la douche froide ET sale, tout ce que Pologne est en mesure de servir, c'est un pauvre piaulement étranglé à peine audible.

".............. Aie............... Liet......... mes.... mes cheveux..............."

Bah voui, hein, voui. Qu'on note comme il est chou, Feliks, il ne reproche même pas à Toris de ne pas s'être matérialisé ou avoir activé l'option vitesse lumière pour empêcher le drame.
C'est pas vrai !! encore en train de plaindre Lituanie ? Il a un bol monstrueux, sur ce coup-là, pourtant. Pas convaincus ? Ben... Imaginez ce qu'il aurait eu à supporter si le seau avait contenu du dissolvant à peinture, heh.